En effet, lors de ces vols, les personnes expulsées sont prises en charge par deux ou trois policiers, immobilisées à l’aide de ceintures, le plus souvent serrées à l’excès, au niveau des bras, des hanches et des genoux puis fixées au siège; leurs mains croisées sont maintenues fermement juste au dessus du bas ventre et, enfin, un casque est placé sur leur tête empêchant toute mobilité de celle-ci et réduisant la visibilité. Les personnes restent ligotées dans cette position insupportable, courbées sur elles-mêmes, pendant des heures, soit pendant toute la durée du vol sans avoir la possibilité de boire ou de manger, ni de faire leurs besoins. La LSDH rappelle que rien, pas même l’exécution d’une décision administrative, ne saurait justifier de priver des personnes du respect de leur dignité et de leur intégrité physique et psychologique.
Le 17 mars 2010, un jeune nigérian décédait sur le tarmac de l’aéroport de Kloten alors qu’il était au pouvoir de la police en vue de son renvoi par vol spécial. Malgré cette tragédie, les méthodes utilisées lors des vols spéciaux n’ont pas fait l’objet d’une réelle et sérieuse remise en question. En réaction, l’ODM décidait simplement de subordonner la réalisation des vols spéciaux à la satisfaction de conditions cumulatives : d’une part, une équipe médicale, composée d’un médecin et d’un ambulancier devraient désormais être présente durant toute la durée du vol pour assurer la surveillance et l’encadrement médicaux; d’autre part, les données médicales sur les personnes renvoyées devraient être transmises par les cantons à l’ODM. Nous tenons à souligner que ce faisant, l’ODM a ainsi reconnu que les vols spéciaux représentent une menace pour la vie et pour l’intégrité physique et psychologique des personnes.
Au-delà du respect ou non de ces aménagements, la LSDH insiste sur le fait que ceux-ci ne changent rien aux faits : des personnes sont ligotées durant plusieurs heures, plongées dans une angoisse extrême, et souffrant physiquement de la position dans laquelle elles sont immobilisées. Une telle pratique relève directement de traitements inhumains et dégradants, au sens de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, auxquelles la Suisse est partie.
Le Comité onusien contre la torture a lui-même exprimé sa vive préoccupation quant aux méthodes utilisées lors de ces vols spéciaux et notamment quant à « la compatibilité des mesures de contrainte édictées par l’Etat partie avec les dispositions de la Convention (contre la torture) ».
La LSDH dénonce à nouveau avec fermeté la pratique inhumaine des vols spéciaux quels que soient les nouveaux aménagements prévus et demande instamment la suspension définitive de telles pratiques.
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