Jeux électroniques de l’UDC: la LSDH porte plainte!

Publié le

par

dans

La Ligue des droits de l’Homme – section Genève (ci-après la « LSDH »), est vivement préoccupée par le climat répressif et xénophobe qui se développe et qui s’intensifie. L’initiative lancée par l’UDC le 13 juillet 2007, dite Initiative populaire «pour le renvoi des criminels étrangers», contribue à ce climat malsain et dangereux pour notre démocratie.

Les jeux électroniques mis à disposition du public sur le site internet de ce parti dans le cadre de sa campagne en faveur de son initiative en constituent une démonstration inacceptable.

Par cette initiative, l’UDC propose que les personnes d’origine étrangère résidant officiellement sur le territoire suisse soient non seulement punies, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, lorsqu’elles commettent un crime, mais de surcroît qu’elles subissent une deuxième peine: l’expulsion.

Alors même que selon le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er janvier 2007, il n’est plus possible de prononcer des expulsions pénales, ce qui constitue un grand progrès sur le plan du respect des droits humains, l’UDC souhaite réinstaurer de façon détournée cette peine et revenir en arrière sur un acquis indéniable.

Une telle proposition signifie en outre le renforcement de la double peine, déjà en vigueur en Suisse par l’expulsion administrative prononcée pour les personnes ayant été condamnées à une peine d’emprisonnement supérieure à deux ans, en rendant les critères d’une décision d’expulsion tristement arbitraires.

Ainsi pour une infraction commise, l’UDC souhaite bannir à jamais ces personnes. Ces dernières auront pourtant payé leur tribut à la société par l’emprisonnement ou la peine qu’elles auront subie. Expulser ces personnes reviendrait à prononcer à leur encontre des peines perpétuelles.

Notre droit pénal, fondé sur la défense de la société accompagnée d’une volonté de réinsertion et de réhabilitation de celui qui commet une faute, deviendrait l’instrument d’une volonté de neutralisation pure et simple de l’individu-délinquant.

Cette initiative est symptomatique du climat xénophobe et répressif qui se développe actuellement en Suisse et en Europe. En effet, nombreux responsables ou partis politiques de tout bord suivent les thèses de l’UDC dans un but de surenchère électorale. Nous sommes préoccupés par l’influence et la banalisation de tels discours qui se traduisent par la facilité avec laquelle les tenants de telles thèses les expriment sur la place publique. Par ce climat, c’est non seulement la tradition et l’identité humanitaire de la Suisse qui sont mis en cause, mais encore bon nombre d’avancées sociales qui honorent la Suisse .

Dans ce contexte, la LSDH est particulièrement préoccupée par les cinq jeux électroniques élaborés par l’UDC et accessibles depuis leur site Internet. Le recours à ce support nous paraît d’autant plus inacceptable qu’il vise à dissimuler la gravité de la position qu’adopte l’UDC sous couvert d’une proposition apparemment ludique, destinée à séduire des jeunes. Si l’ensemble de ces jeux nous paraissent nauséabonds, trois d’entre eux au moins nous paraissent constituer des infractions aux lois suisses.

Le premier de ces jeux, intitulé « Halte aux naturalisations abusives » met en scène la mascotte de l’UDC, avec les instructions suivantes : «Dans ce jeu, il s’agit d’intercepter, avec l’aide de Zottel (un bouc nain), un nombre aussi grand que possible de passeports que les socialistes et les Verts distribuent sans réfléchir aux étrangers. Zottel attrape les passeports dans son museau. Pour lui permettre de saisir les passeports, tu le déplaces avec les deux touches de direction. Bonus: si un juge ou un Vert intervient, tu peux l’éjecter avec la barre d’espace. Le jeu s’arrête quand un certain nombre de passeports a passé à côté de Zottel».

Le second jeu, intitulé «Halte aux étrangers criminels» met en scène le bouc «Zottel» chargé de repousser d’un violent coup de tête les moutons noirs qui cherchent à entrer sur le territoire helvétique, ainsi que des cars remplis de moutons noirs conduits par des personnages représentant des membres des partis Verts et socialistes. L’internaute perd des points en repoussant des moutons blancs.

Les étrangers sont stigmatisés par le biais de ces jeux du fait qu’ils sont présentés, en tant que tels, comme formant une catégorie de la population indésirable et fortement criminelle.

Enfin le quatrième jeu, intitulé «Halte à l’arnaque de l’Etat», propose au joueur d’éliminer les radars disposés par «la gauche et ses complices» ainsi que les panneaux d’interdiction disposés par le représentant Vert. Le joueur, représenté par Zottel tirant une charrette, doit écraser le représentant des Verts afin d’empêcher l’installation de radars. Ce faisant, il gagnera des points…

En mettant à disposition du grand public les deux premiers jeux susmentionnés, le parti politique UDC s’est rendu, à notre sens, coupable d’infraction à l’article 261bis du Code Pénal. En effet, par ces jeux, l’UDC, publiquement, par l’écriture et l’image, abaisse et discrimine d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine un groupe de personnes en raison de leur appartenance étrangère. Cette attitude est expressément dénoncée par l’article 261bis al. 4 du Code pénal. Le fait que l’UDC vise les étrangers en général et ne s’adresse pas en particulier à une «race» ou «ethnie» distincte n’exclut en rien l’application de cette disposition.

Concernant le quatrième jeu, l’UDC incite à la violence envers le Juge ou le représentant des Verts ; cette incitation est réprimée par l’article 259 du code pénal. La LSDH ne pouvant légalement dénoncer au Procureur Général ce fait, nous invitons tous citoyens à le faire et mettons à disposition sur le site Internet www.lsdh.net un courrier type que chacun peut faire parvenir au Procureur Général dans le but de dénoncer cette incitation à la violence.

C’est pourquoi, aujourd’hui, la LSDH:

  • Appelle les partis et responsables politiques, les associations et organisations ainsi que la population à ne pas accepter de telles dérives, à agir contre cette évolution répressive et xénophobe, et à se prononcer dès aujourd’hui clairement contre l’initiative lancée par l’UDC ;
  • Porte plainte contre l’UDC en vertu de l’article 261bis du Code Pénal ;
  • Soutient la dénonciation pénale faite en vertu de l’article 259 du Code Pénal, puisqu’il lui est impossible de faire une telle dénonciation en son nom en tant qu’association.

Archivé le 04/11/2023 depuis https://www.lsdh.ch/category/geneve/actualite-geneve/.