Communiqué de presse de l’Association Suisse des Avocat⋅es pour la Palestine (ASAP), du Groupe pour une Suisse sans Armée (GSsA) et de la Ligue Suisse des droits humains – Genève (LSDH, Genève)
La Cour de Berne écarte notre requête concernant le contrat d’achat des drones israéliens au motif que celle-ci est politique ! La procédure continue.
Le 14 juillet 2025, nous avons déposé auprès de la Cour suprême du canton de Berne une requête d’obtention du contrat liant la Confédération suisse à l’entreprise d’armement israélienne Elbit Systems Ltd, en vue de pouvoir ensuite en faire constater la nullité.
Notre requête, comportant 46 pages d’argumentation factuelle et juridique recherchée et rigoureuse, a été écartée par le juge, qui nous l’a retournée par courrier postal après seulement deux jours.
Ce dernier affirme, sur la base de l’art. 132 al. 3 du Code de procédure civile, que notre démarche est « abusive », au motif que « les parties requérantes poursuivent clairement un intérêt et des visées politiques ». Ignorant les preuves des lourdes pertes – humaines et matérielles – subies par le couple de Gazaouis partie à la requête, notamment dans des attaques de drones, le juge décrète qu’il « paraît dès lors évident que [les parties] ne sont pas légitimées à agir en nullité d’un éventuel contrat duquel elles ne subissent aucun préjudice direct ». Il en conclut qu’« il s’agit en conséquence d’un acte qui doit être qualifié d’abusif ».
Notre demande est donc classée sans suite.
Refuser de traiter des actes « politiques » : la porte ouverte à l’arbitraire
Qualifier d’« abusif » une requête au seul motif qu’elle touche à une thématique à dimension politique constitue un grave abus de pouvoir. Une telle lecture revient à conférer au juge le pouvoir de fermer l’accès aux tribunaux pour toute cause qui, de près ou de loin, s’inscrit dans un débat politique. Me Emma Lidén explique “La plupart des contentieux – qu’ils concernent l’environnement, les marchés publics, ou encore les droits fondamentaux – ont par nature une portée politique, puisqu’ils interrogent l’équilibre entre l’action publique et les droits individuels ou collectifs. Le contexte exceptionnel de la présente affaire ne justifie pas une décision aussi arbitraire.”
En somme, cela revient à dire à la population que les décisions politiques ne peuvent pas être contestées ou même questionnées – une situation dangereuse et incompatible avec un fonctionnement démocratique.
À l’heure où les droits humains sont violés sans conséquences dans des rapports de force opaques, la remise en question est pourtant essentielle au fonctionnement d’un Etat de droit. Et dans le contexte des crimes commis à Gaza, alors que le Conseil fédéral a annoncé début septembre maintenir l’acquisition des drones Hermès 900, le contrôle juridique du contrat en question paraît d’autant plus fondamental.
Recours auprès du Tribunal fédéral pour déni de justice
Nous déposons donc ce jour un recours auprès du Tribunal Fédéral pour déni de justice, violation du droit constitutionnel (notamment l’interdiction de l’arbitraire) et des droits garantis par la CEDH. “La juridiction dénie à nos mandant-es le droit d’accès à la justice en les empêchant de faire valoir leur cause. Elle leur empêche d’avoir accès à un procès équitable, malgré le respect des procédures et l’utilisation d’arguments juridiques rigoureux” critiquent Me Emma Lidén et Me Dimitri Paratte.
Le juge aurait dû enregistrer l’affaire et se prononcer sur les conditions de sa recevabilité, et si certains éléments apparaissent douteux ou incomplets, nous offrir la possibilité de les compléter. En revanche, il n’entre pas dans ses attributions de trancher d’emblée, avant même l’ouverture formelle de la procédure, le sort de celle-ci. C’est pourquoi nous dénonçons auprès du Tribunal fédéral ce déni de justice et la violation crasse du droit à un recours effectif (CEDH 13).
La procédure n’est donc pas close, nos trois associations continueront de faire valoir leurs droits pour exiger que la justice suisse assume ses responsabilités.